Krasnaï Plochad

Publié le par trapped

Les années 30, période de liesse populaire. La gauche se solidifie, s'unifie principalement face au danger que représente les ligues d'extrême-droite. En 1934, les ouvriers sont dans la rue pour défendre radicalement leur liberté; en 36, des milliers de grèves éclatent dans le pays, les usines sont occupées peu avant l'arrivée du Front Populaire au pouvoir.
Même si les manifestations ont été souvent violemment réprimées (on compte plusieurs morts et de nombreux blessés lors des soulèvements de 1934 par exemple), l'espoir reste de mise.
Au centre de ces mouvements de ferveur populaire, le théâtre tient une place toute particulière. Depuis quelques décennies déjà, cet art connaît un renouveau, on repense les bases, les formes, on ne le considère plus forcément comme le divertissement d'une élite mais comme un art qui doit toucher toute la population.
Et si le théâtre est un art, il devient aussi vecteur d'idées. L'art dit d'agit-prop venu d'URSS ébranle les esprits de nombreux de metteurs en scène européens tel Brecht ou encore Piscator qui, en Allemagne, va créer son théâtre prolétarien.
La révolution d'octobre 1917 n'est pas loin et l'on rêve le peuple au pouvoir.

Octobre. C'est le nom que se donne une troupe de théâtre qui émerge en 1932 à Paris. Durant cinq ans, ces jeunes artistes vont créer un théâtre en connivence avec l'agitation propagande, un théâtre qui appartient au peuple, en refus total de l'art bourgeois.
Pilier du Groupe Octobre, Jacques Prévert écrit des pièces courtes, des chœurs parlés, des chansons... dont les mots doux-amers, acerbes ou drôles doivent servir de levier et d'appui à la contestation sociale.
Une ambiance joyeuse et enthousiaste entoure la troupe même si elle s'empare de sujets graves, la dangereuse montée du fascisme pour ne prendre qu'un exemple.

Puisque le théâtre appartient au peuple et qu'il est de surcroît militant, il ne peut se jouer dans les lieux institutionnels prévus à cet effet. Le Groupe Octobre se représente là où le mouvement ouvrier rime avec action, là où les messages de luttes seront entendus et susceptibles d'être suivis, là où le théâtre devient révolutionnaire.
Usines ou grands magasins en grève, manifestations, cafés ou goguettes, fêtes populaires... La « bande à Prévert » est toujours présente.
Les créations se font souvent dans l'urgence. Dès qu'une grève se prépare, la troupe se met en marche; il faut créer le plus vite possible pour rejoindre le mouvement.
Ainsi, ils ont joué lors des grèves chez Citroën ou à la Samaritaine, ils ont alerté ceux qui se rendaient aux soupes populaires sur la menace extrémiste que représentaient les ligues qui les organisaient, ils ont scandé leurs chœurs lors de bals ou, encore, ont défilé dans la rue.

Le Groupe Octobre pratiquait un théâtre aux prises directes avec la réalité, les événements socio-politiques de son époque. Le théâtre devenait un moyen de diffuser des idées, outre son rôle purement artistique.
Comme le dit Michel Fauré dans son ouvrage sur le Groupe Octobre, « on aide les travailleurs par des spectacles culturels visant à l'éveil politique, mais on se bat aussi à leurs côtés dans la rue ».
Ce théâtre populaire des années 30 se mêle à la contestation, il n'en est pas dissociable, c'est pourquoi on le retrouve partout, sur des lieux de travail comme dans la rue car il anime et attise les revendications sociales.

 

Julie

 

NB: Krasnaï Plochad signifie la place rouge, c'était le mot de passe du Groupe Octobre.

 

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